مجلة مغرب القانونمقالاتMaître Lhosni Sofia : Le Droit des entreprises multinationales, cette anomalie juridique 

Maître Lhosni Sofia : Le Droit des entreprises multinationales, cette anomalie juridique 

– Rédigé par : Maître Lhosni Sofia.

-Le Droit des entreprises multinationales, cette anomalie juridique : Plaidoirie pour une nouvelle réglementation de responsabilité entre la société mère et sa filiale. 
-Avocat/stagiaire pénaliste au barreau de Meknès-Maroc.
– Expert en politique criminelle.
-Propriétaire de la collection pénale internationale << CORPUS POENALI>>.
 

L’évolution constante du commerce international a porté une large efficience sur les activités commerciales et leur développement. Dés lors, les sociétés ne fonctionnent plus selon la forme traditionnelle/classique dite aussi la « forme nationale ». La genèse des sociétés multinationales a pleinement tracé le secteur économique d’une part, engendrant avec lui une ébullition au niveau juridique. En effet, quand on parle des sociétés multinationales, on pense directement au mécanisme d’une pullulation des filiales un peu partout au niveau mondial. De ce fait, comme voyait l’économiste CARROUÉ,  les multinationales réalisent plus du quart du produit intérieur brut mondial, et dominent, directement et indirectement, les deux tiers du commerce planétaire[1]. Sauf qu’il est à signaler que si pour un économiste, cette situation demeure plus satisfaisante, le juriste voit les choses autrement.
En effet, cette délocalisation portera plusieurs problématiques juridiques ; Tantôt pour la société elle même, et tantôt pour son fonctionnement fictif
La première ambiguïté posée, est la différence étroite entre la société internationale et la société multinationale. Quand on parle du deuxième type, il s’agit bien d’une société transnationale, exerçant ses activités dans plusieurs pays, mais qui est constituée selon la loi d’un pays déterminé dont on peut, partiellement, confirmer qu’elle acquiert la nationalité de ce pays (dans la plupart des temps, on trouve que même si on parle d’une même société, entre la filiale et la société mère, deux lois applicables sont à envisager : pour la filiales c’est la loi du pays d’hôte qui s’applique, et pour la société mère, c’est la loi du siège social qui se voit en compétence.

Toutefois, que ce soit face aux deux sociétés c’est le critère de la loi locale qui se prend en considération), par contre, dans les autres pays, où l’activité indirecte s’exerce, la société mère reste étrangère en raison de son agissement par l’intermédiaire de successorale.
Quant au premier type, signalons que la société internationale se créer toujours selon un traité ou un accord entre deux ou plusieurs états. De ce fait, il remarquable à dire que si l’entreprise multinationale se trouve, dans tous les cas, soumise à une loi précise selon l’activité et l’espace, l’entreprise internationale n’est responsable vis-à-vis d’aucune législation. Chose qui rend d’elle un élément d’impunité juridique (responsabilité juridique quasi-inattaquable).
La deuxième ambiguïté posée, toujours d’un un cadre compendieusement très étroite, réside dans le fait de distinguer entre la nationalité de cette société et de sa lex societatis[2] ; la notion de la nationalité est, en pratique, très confondue avec celle de la lex societatis. En effet, certes qu’on a assimilé, lors de la première ambiguïté, la nationalité avec la loi applicable. Mais en analysant les concepts, la réflexion nous guidera vers une autre piste. Lorsqu’une société fixe son siège au Maroc, acquiert elle la nationalité marocaine, ou est ce que le droit marocain devient la nationalité de cette société ? Pour en simplifier les termes, s’agit-il de l’identification juridique de la nationalité de cette personne morale, ou de sa loi applicable ?
Afin de tranche la question, le droit fait référence au critère de la localisation du siège social. C’est le siège social qui détermine la nationalité de la société[3], toutefois la loi applicable reste soumise à la localisation fictive de cette entreprise. A titre d’exemple, une société dont le siège social se situe en France, et dont la localisation d’implantation se présente sur le territoire marocain, est une société française in abstracto, soumise à la loi Marocaine in concreto. De ce fait, sa nationalité abstraite ne lui porte aucune immunité en cas de commission de n’importe quelle infraction artificielle ou naturelle sur le territoire marocain. Sa personne morale se voit donc responsable pénalement en vertu des dispositions de la loi marocaine sur le fondement de l’article 127 du code pénal marocain.
A ce stade, il est à marginer que ce double caractère bilatéral conduit vers une situation très délicate. En suivant les termes de l’article 1837 du code civil français, il est possible de permettre l’attribution de compétence à une loi étrangère pour régir une société en tant que lex societatis, mais il est impossible d’attribuer à une société la nationalité d’un autre état si la France lui refuse la sienne. On entend dire qu’en cas de cette acceptation, la nationalité peut se voir attribuée. En parallèle de ce sens, le droit marocain dans son article 110 de la loi 17-95 relative aux S.A. dispose que l’assemblée générale extraordinaire ne peut changer la nationalité de la société. La personne morale marocaine se trouve dans un état plus restrictif que la personne morale française.
D’une Façon plus générale, la transnationalité des sociétés revoit vers le fait que l’entreprise du siège est soumise à la loi du pays dans lequel l’enregistrement a eu lieu, et ses filiales sont soumises aux lois du pays hôte d’installation, tout en gardant la nationalité rattachée au lieu du siège in abstracto.
Le fait d’analyser la responsabilité juridique des sociétés multinationales au profit de leurs filiales ne peut être claire qu’en comprenant l’organisation fictive de ces dernières. En effet, contrairement aux sociétés classiques dotant d’une organisation plus simple, au sein des multinationales les choses fonctionnent autrement. La réglementation juridique d’une multinationale dispose d’un processus spécial[4] : on trouve soit un contrôle partiel de la société mère au profit de ses filiales, soit une autonomie totale des filiales. Dans ce deuxième cas de figure la filiale se trouve dans une autonomie de personnalité juridique, elle se considère donc comme toute autre société nationale. Du coup, une fois qu’elle commet une faute civile ou pénale, l’influence juridique ne touchera que la filiale elle même. Quant au premier cas de figure, plusieurs points d’analyse sont à envisager.
En premier lieu, notons que la société mère procède au contrôle des filiales par de divers moyens, notamment celui de la domination quasiment total, Il s’agit du truchement des organes sociaux de la filiale. Il peut être soit direct par une personne morale, ou indirect par une personne physique. Dans la première situation, le contrôle direct se joue par l’intervention dans l’assemblée générale par le fait de siéger en tant que personne morale au conseil de l’administration de la société contrôlée. Soit indirect en désignant une de ses personnes physiques (actionnaires si la personne morale fait appel public à l’épargne, administrateurs, directeurs, dirigeants de droit ou de fait,..) au conseil de l’administration de la société contrôlée. Cette situation va nous amener à discuter un point très important de nature à se porter comme exception aux principes de lex societatis. A cet égard, signalons que c’est la loi relative à la société de contrôle qui se trouve compétente à trancher un litige se portant sur la responsabilité civile contractuelle, à condition que cette dernière procède à la participation de négociation du contrat fondant l’action en responsabilité. Le critère du contrôle joue le rôle décisoire pour définir le régime applicable à la responsabilité juridique entre la société mère et filiale. Certes que c’est la filiale qui a directement commis la faute civile ou pénale. Mais en analysant la situation ,selon l’onglet du contrôle, la responsabilité juridique de la filiale n’est qu’une peine imméritée. Malheureusement, le régime marocain ne fait point référence à critère afin d’arbitrer des litiges de cette nature. Pour le juge marocain, le contrôle porte peu d’intérêt par rapport au critère de la localisation, chose qui est illogique juridiquement puisque le pouvoir dominant est celui de la société mère non de la filiale.
Selon une analye critique, le juge marocain aurait dû se retourner vers une méthode peu connue en droit international privé, d’origine Américaine, dite « Better Law »[5]. En suivant cette technique, c’est le critère du rattachement original qui se prend en considération. La loi qui est censé être appliquée est la loi du contenu matériel non la loi spatiale. Dans le cadre du droit comparé, le juge français fait toujours appel à l’application du droit international privé face à ce type d’affaires.
Toutefois, notons que le contrôle renvoyant à cette domination connaît, quant à lui même, ses propres degrés dénombrés en six échelles[6], où l’on peut les classifier comme suit : (trois catégories)
– Ethnocentrique lorsque le modèle de référence de la filiale est celui de la société mère.
– Régiocentrique lorsque c’est le modèle du pays d’implantation de la filiale qui édicte la stratégie de cette dernière.
-Géocentrique lorsque les décisions stratégiques du groupe suivent une logique de réseau[7].
Cependant, à coté de la nationalité et de la lex societatis, c’est le contrôle dominant qui donne influence directe à la responsabilité juridique entre la filiale et la société mère. Dés lors, la filiale autonome ou dont le degré de domination est à faible effet, se voit directement responsable de ses propres fautes ; Or que la filiale dominée totalement n’est qu’un moyen agissant pour le compte de la société mère. Dans ce cas, selon un approfondissement proprement juridique, c’est la société mère qui se trouve pleinement responsable sur un fondement de droit dit « par ricochet ». Toutefois, en cas de dissolution de la société mère, la filiale, quel qu’en soit son degré de dépendance, se voit effacée juridiquement en appliquant l’adage où l’accessoire suit le principal.
D’autre part, en suivant cette piste, le contexte de la responsabilité des entreprises multinationales (filiales) pose, en lui même, le problème de l’application extraterritoriale de la loi dans le fait de poursuivre les sociétés mères chez elles. En effet, dans la pratique, les filiales élisent un domicile se situant au niveau des pays d’hôte, elles se trouvent donc soumises à la lex societatis du pays en question. En parallèle, en cas de commission d’infraction ou d’une faute civile, la plupart, à savoir même toutes les actions intentées à leur encontre, de la part des victimes devant les tribunaux du territoire des sociétés mères se trouvent rejetées. Selon une logique juridique, il se peut que ce rejet soit acceptable si aucun lien de dépendance ne se trace entre la filiale et la société mère. Cependant, en cas d’existence de ce lien, l’action se trouve bien fondée, et doit s’intenter puisqu’elle remplit toutes les conditions légales/classiques d’ester en justice. En ajoutant que l’entreprise multinationale n’est pas une question de droit en droit international, la situation demeure plus alambiquée. Face à ces données, il est remarquable que la responsabilité des filiales ne peut être évoquée que dans le pays d’hôte, qu’elle qu’en soit la nature du contrôle dominant avec la société mère. Car face à la loi du territoire où se trouve le siège social (la société mère) les actions ne connaissent aucune suite, et face au droit international, l’entreprise multinationale ne bénéficie pas de la personnalité juridique[8] et donc bénéficient d’une immunité juridique la protégeant contre toute action en justice. Chaque société, sous la même dénomination sociale et même activité sociétale, reste soumise aux droits et obligations existant dans la loi du pays où elles opèrent fictivement. Toutefois, dans les pays où est basée la société mère, de différents efforts récents ont été progressivement fournis vers un essai permettant de poursuivre les filiales auprès des tribunaux de la société mère. La solution posée à ce propos se fonde sur « le principe d’extraterritorialité ».
En vertu du principe de la territorialité des lois, les tribunaux ne se trouvent compétents que pour trancher les infractions commises sur leur propre territoire s’agissant des affaires pénales, et du lieu de la situation de la faute civile s’agissant des affaires commerciales, Or qu’en conséquence, un territoire sur lequel une infraction s’est commise a pleinement compétence à sanctionner l’auteur de cet acte que ce soit une personne physique ou morale, sans se référer au critère de la nationalité. Néanmoins, un pays qui n’est pas compétent à punir ces auteurs, pour défaut d’exercice d’autorité, si les actes incriminés n’ont pas été commis sur son territoire. Ainsi, même en cas de commission de l’infraction sur son territoire, et que l’auteur ne se trouve plus sur ce dernier, l’état ne peut point rechercher l’accusé dans le territoire d’un autre état ; car l’intervention dans ce type de recherche fera tomber les deux états dans des incidents diplomatiques soumis aux dispositions du droit public.
En calquant le cas des sociétés multinationales sur ces exemples, on peut dire que les lois nationales ne sont guère d’application extraterritoriale, sauf si le juge décide , dans des cas très bien limités, dans un contexte civil non pénal, de poursuivre la méthode susvisée de « Better Law ». Cette situation donnera comme résultat le fait que les entreprises multinationales se trouvent dans un état d’échappement à toute responsabilité juridique devant les juges du siège social (territoire de la société mère) pour un dommage commis à l’étranger[9].
D’une façon générale, rechercher la responsabilité de la société mère pour le fait de sa filiale est un sujet juridique tés complexe. A part les points d’analyses qu’on a évoquées, la détermination du lien entre la société mère et l’acte illicite commis par la filiale reste la piste la plus élusive. De même, comment peut-on imputer à une personne morale un fait délictuel ayant été dans une autre partie du monde ? De même, comment peut-on résoudre le cas où une filiale se trouve face à des obligations et droits contradictoires émanant du pays d’origine et du pays hôte ? Ici, on doit bien faire distinction entre la responsabilité civile et la responsabilité pénale.
Pour la responsabilité civile, il est à signaler qu’en premier lieu, la pierre angulaire fondant cette responsabilisé est le dommage et le lien causal. La question posée à ce stade est peut on rendre possible l’imputation à une société mère les actions que peuvent avoir effectué les filiales domiciliées à l’étranger ? Ça serait juridiquement possible si le juge fait recours à une technique juridique moderne, récemment apparue en droit international dite « technique de levée du voile social »[10], elle permet d’imputer à une société mère les conséquences des décisions prises en vertu de ses filiales dans des différents territoires[11], en lui attribuant directement le résultat du dommage réalisé, à condition que le lien de dépendance soit largement tracé entre elles. Sauf qu’à ce stade, il faut bien préciser la situation juridique de la responsabilité civile. De ce fait, deux cas sont envisageables :
Soit que la société mère a participé directement au dommage civil. La problématique posée dans ce cas de figure réside dans la preuve de cette participation. En effet, la situation aurait été moins complexe si les filiales ne disposent pas de leur propre personnalité juridique, ici la faute, même sans faire référence à la preuve, se liera directement à la société mère. Cependant, il est très rare que les filiales exercent leurs activités sans personnalité juridique, puisque la plupart des pays d’hôte imposent certaines formalités pour les investisseurs tel que l’enregistrement de la personne morale, produisant directement la naissance de la personnalité juridique. Les multinationales exercent leurs exercices à l’étranger par des filiales possédant une personnalité juridique autonome, de ce fait revenant vers la première problématique où il s’avère très difficile de prouver la participation de la société mère dans les diverses fautes civiles engendrant un dommage. Il faut donc que l’avocat international d’affaires se retourne vers le critère du contrôle et de la domination, afin de prouver l’irresponsabilité de la société mère s’il défend ses intérêts.
Soit que la société mère a participé indirectement au dommage civil. En effet, si pour le premier cas de figure la situation semble moins complexe malgré son implicite, dans ce deuxième cas la complexité est pleine. Quand on parle de la participation indirecte, on entend dire que la filiale procède, à son tour, à la commission de cette faute civile, que ce soit dans un cadre contractuel ou délictuel. Cependant, il semble illogique juridiquement que la filiale procède à ces actes sans qu’elle dispose de sa propre personnalité juridique. Dès lors, quand on analyse cette participation indirecte, le juge se trouvera bloqué face au principe de la personnalité juridique des personnes morales. Ici, toute société se trouvera responsable de ses propres faits, le cumul juridique de responsabilité entre mère/filiale demeure impossible à se réaliser pratiquement.
Enfin, que ce soit lors des deux cas, il est à déduire que si la société mère possède une majorité du capital social, de nature à lui donner droit d’imposer la politique de gestion de la filiale, la responsabilité pourra être fondée sur la base que la mère/filiale n’est qu’une seule entité juridique. Cependant, à défaut de ce point, l’autonomie de personnalité juridique bloque la responsabilité juridique.
Dans cette piste, en vertu du contexte international, l’action judiciaire intentée au Maroc par une personne domiciliée à l’étranger et lésée par la filiale d’une société marocaine commencera d’abord par l’analyse du tribunal saisi en se référant des règles applicables en droit international privé. Ainsi, à coté de cette référence, il faut bien déterminer le lieu des poursuites. Car, la compétence seule ne suffit pas d’intenter ce type d’actions. En effet, quand on parle de la détermination du lieu de poursuite, trois points fondent la compétence du juge marocain à ce propos. Le territoire Marocain doit être soit le lieu de l’immatriculation de la société, soit le lieu de la résidence des victime, soit le lieu de la violation des règles légales que ce soit impératives (exemple : la loi et les codes) ou supplétives ( exemple : des clauses contractuelles). De ce fait, le cas où le dommage ou la victime sont situés sur un état autre que celui du juge saisi, ce dernier considère que l’affaire n’a pas des liens assez proche avec son pays, on parle ici de ce qu’on appelle en droit international « La théorie du forum non conveniens ». Dans le cadre du droit comparé, notons, qu’en relation avec cette théorie, le droit anglais donne une possibilité directe à évoquer l’exception du lien de jugement incorrecte. A titre d’exemple, une multinationale anglaise peut demander au tribunal de rejeter une action sur la base de ce lieu de jugement en se basant sur le principe du « forum non conveniens »[12]. Il est à remarquer à cette occasion, que la loi anglaise est plus mature dans le domaine, contrairement aux lois marocaine et française qui ne donnent accès à cette théorie que si le juge l’a évoqué d’office. Il s’agit plus, en droit Français et Marocain, d’un concept de jugement qu’une exception rentrant dans le cadre des moyens de défense internationaux.
Pour la responsabilité pénale d’une multinationale, en cas de commission d’infraction par une filiale, deux possibilités de compétence judiciaire sont envisageables. Soit une poursuite devant les juridictions internationales soit devant les juridictions nationales. Sauf que la complexité du droit pénal, pose toujours des ambiguïtés plus profondes par rapport au droit civil ou commercial. Nonobstant, signalons que si une infraction territoriale sera appréciée comme toute autre infraction normale, la panoplie pénologique sur laquelle se fonde cet article ne touche que les infractions extraterritoriales. En cas de commission du fait incriminé au niveau territoriale, la personne morale se retrouvera responsable pénalement sur la base de l’article 127 du code pénal marocain, sans qu’aucune ambiguïté ne sera posée, à part l’insuffisance dudit article ayant un certain recul textuel[13].
Quant à la responsabilité pénale extraterritoriale d’une multinationale, ce sont les règles internes du droit pénal général, ainsi que le principe de réciprocité qui règlement la situation. De même, précisons que si le droit international pénal n’est compétent que face aux personnes physiques, suite aux termes du statut de Rome réglementant l’organisation et la compétence de la cour pénal internationale[14], le droit pénal international peut, cependant, punir les multinationales pour les infractions extraterritoriales commises à l’étranger[15].
La poursuite devant les juridictions internationales, reste, néanmoins, très alambiquée. Parler de la responsabilité pénale des entreprises multinationales englobe dans son cadre juridique de différents systèmes juridiques de souches différentes : Normes internationales, normes internes, Hard law et Soft law. Nonobstant, à coté de cette multiplicité légale, le plus grand obstacle posé devant les juridictions internationales (CPI à titre d’exemple) réside dans le fait que le conseil de sécurité des nations unies, disposant du pouvoir de procéder aux plaintes, est rarement influencé par les mauvais actes des multinationales. Rappelons ainsi, que la plupart des affaires dont statue la cour pénale internationale sont des affaires politiques plus que juridiques, ainsi, le conseil de sécurité se réfère à ce qu’on appelle « la sélectivité des affaires » en fonction des intérêts étatiques des pays ayant une influence mondiale[16]. De ce fait, la seule solution juridique posée, afin de punir les infractions internationales des multinationales est le recours au principe « du cumul juridique de responsabilités personne physique/morale ». Le fait de délimiter les responsabilités, pourra, cependant, régler la situation, et donner la compétence à la cour pénale internationale de statuer de genre d’affaire, mais, cette compétence ne se portera que sur la première moitié de responsabilité. Quant à la personne morale, on peut largement confirmer qu’elle dispose d’une certaine impunité internationale. Les personnes physiques pénalement responsables peuvent être (dirigeants, organes, actionnaires,…) . Et pour de les déterminer, le conseil de sécurité ayant le pouvoir d’entamer les plaintes, doit faire référence aux principes du droit pénal des sociétés. Selon une optique ironique, cette situation sera la première du genre à combiner la politique avec le Business, donnant la naissance d’une nouvelle branche hybride dite « La droit politique des affaires ».
Quant aux poursuites devant les juridictions nationales, afin d’en déterminer les règles, les chambres répressives des tribunaux internes sont compétents à connaître les infractions commises par des personnes physiques ou morales, notamment des entreprises, lorsque l’acte incriminé s’est réalisé sur son territoire (principe de territorialité), par l’un de ses ressortissants, eu contre l’un de ses ressortissants (principe de personnalité), ou que l’acte a porter une grave atteinte aux intérêt du pays ( principe de compétence universelle)[17]. Si jusque là tout semble être normal, la problématique se pose face au cas suivant : Comment doit-on juridiquement agir, si une infraction est incriminée dans un pays et autorisé dans l’autre, dans le cadre de la relation entre société mère/filiale ? (principe de la personnalité des sanctions)
Face à un vide juridique à ce propos, il faut se retourner vers l’application du principe de la territorialité. Face à cette solution, chaque état procédera aux mesures qu’il estime nécessaires selon sa loi pénale. Pour l’état incriminant l’acte, le recours au droit criminel processuel sur son territoire sera le processus visé. Et pour l’état dont l’acte ne s’estime pas incriminé, la situation demeure normale comme si rien ne s’est passé. Toutefois, face à cette solution, il est à noter que l’extraterritorialité s’effacera, car tout état se trouvera compétent à trancher le fait en fonction de son droit. On entend dire alors que le fait de gommer les limites entre la mère et filiale ne se prendra plus en considération juridique, la situation serait plus penchée vers ce qu’on appelle en droit pénal général « La responsabilité personnelle ». En vertu du principe de la territorialité, l’état a toute compétence à l’égard des biens et des personnes situés sur son territoire ou des événements se produisant sur ce dernier[18].
Toutefois, ce principe de territorialité donne, quant à lui même une solution qui pourrait résoudre la problématique susvisée. En effet, les pénalistes ont posé un sous classement à ce principe, la territorialité subjective donne la compétence à l’état où le commencement de l’exécution de l’infraction a eu lieu sur son territoire. On entend dire que cette compétence s’étendra à l’état qui n’incrimine pas, à condition que ce dernier accepte cette compétence judiciaire étrangère. Cette acceptation sera appréciée, dans la plupart des temps, selon des considérations politiques, se fondant sur le principe de réciprocité entre les états.

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Pour conclure, l’image transnationale des activités des entreprises rend plus complexe l’analyse des liens entre la société mère et la filiale. Si pour les économistes la situation est simple quant au management, audit, gestion,… pour le juriste la diversité des lois et des systèmes en parallèle d’un vide juridique en droit international, en ajoutant ainsi, l’idéologie juridique propre de chaque état, rendent la situation très complexe. De même, signalons qu’aucun code propre, ou titre figurant dans une loi relative aux sociétés multinationales n’a vu le jour. Ces points ont contribué soit à l’impunité des multinationales, chose s’estimant en contradiction avec les théories classiques fondant le vocal « Droit » ; soit de fonder la responsabilité juridique d’une multinationale en suivant des processus irréguliers juridiquement.

  1. Carroué L., Entreprises : la règne des transnationales, édition 2011, p. 85
  2. Lévy L ; La nationalité des sociétés, LGDJ 1984
  3. La jurisprudence française comme marocaine, se réfère au critère du siège social afin de déterminer la loi applicable aux pouvoir des dirigeants sociaux. Arrêt de la première chambre civile de la cour de cassation rendu le 8 décembre 1998
  4. Paillusseau J., Le droit des groupes de sociétés, Dalloz 1991, p.52
  5. Leflar R.A., choice influencing consiferation in conflict laws, 1966, p. 320
  6. Voir à ce sens : Catel-Duet A., Etre ou ne pas être : Le groupe comme firme unifiée ou comme ensemble de sociétés ?
  7. Schier G. et Meier O., Entreprises multinationales. Strategies. Restructurations. Et Gouvernance, « dition Dunod 2005, p.60
  8. Ripert G., Aspects juridiques du capitalisme moderne, LGDJ, Paris 1995, p. 355
  9. Voir à ce sens, Stern B., Quelques observations sur les règles internationales relatives à l’application extraterritoriale du droit, édition 1986, p.19
  10. Cette technique, exclusivement réservée pour sociétés multinationales dans le cadre d’un contentieux extraterritorial, permet au juge d’imputer aux sociétés domiciliées dans un pays étranger les obligations issues de la loi d’un autre pays.
  11. Citons à cette occasion le célèbre arrêt de 1973 de la cour de justice de communautés européennes, ayant estimé que les amendes devraient être étendues à une filiale de la société mère même si elle est domiciliée dans un autre pays de l’Union Européenne.
  12. Toutefois, ce principe n’est pas absolu. Notons comme exception l’arrêt (CJCE, ECR-I-1283 2005) ayant jugé qu’un tribunal Britannique est obligé de statuer sur une action lorsque le défendeur est domicilié au Royaume-Uni , même si le crime a été commis à l’étranger. Le juge de cet arrêt a cassé le principe du forum non conveniens , en appliquant les dispositions de l’article 2 de la convention de Bruxelles.
    Notons ainsi que cet arrêt estime que la convention de Bruxelles est applicable peu importe que l’élément d’extranéité se situe dans l’espace communautaire ou dans un autre état tiers.
  13. Voir à cet effet : Lhosni S., La responsabilité pénale des personnes morales en droit marocain : Onglet des sociétés commerciales, revue électronique « Droit des affaires », Octobre 2016
  14. On ne peut parler de cette compétence que si la multinationale a commis l’une des infractions énumérées par l’article 5 du Statut de Rome. Sinon, a part le fait que la CPI ne peut punir que les personnes physiques, on risque de tomber dans une incompétence matérielle dite «  Ratione materiae »
  15. Contrairement à ce que beaucoup croient, le droit international pénal est distinct du droit pénal international. Le droit international pénal est l’ensemble des règles de droit international réglementant la responsabilité pénale des individus ayant enfreint des normes de droit international public qui ont pour but la protection de l’ordre public international.
    Voir : GLASERS, Infraction internationale, ses éléments constitutifs et ses aspects juridiques, Paris, L.G.D.J., 1957, p. 9
    Quant au droit pénal international trouve sa source dans le droit interne et s’intéresse aux lois de procédure comme du fond s’appliquant aux faits présentant un élément d’extranéité ; autrement dit, ce droit désigne tant la branche du droit pénal interne contenant un élément d’extranéité, que les infractions établies par une norme internationale.
    Voir : REBUT D., Droit pénal international, DALLOZ, Paris 2012, p. 15
  16. USA, URSS, Chine, …
  17. Les coutumes du droit international donnent la possibilité à ce pays de recourir au principe de la réciprocité, si ses intérêts l’exigent
  18. Stern B., Quelques observations sur les règles internationales relatives à l’application extraterritoriale du droit, annuaire du droit international, Volume 32 , édition 1986, p.23

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